"Après un traumatisme, on fait l'expérience du monde avec un système nerveux différent. Chaque nouvelle rencontre ou événement est contaminé par le passé" (Bessel Van Der Kolk)
Une des raisons qui m'a fait me pencher sur la question du traumatisme chez le cheval est liée à cette phrase. Il n'y a aucune étude qui prouve quoi que ce soit chez le cheval, mais nos systèmes nerveux et les symptômes sont suffisamment proches pour supposer que... Donc, un traumatisme on ne s'en souvient pas. On le revit. Et ça, rien que d'y penser quelques minutes... C'est un fait qui continue de me bouleverser.
Le traumatisme, c'est donc différent d'une mauvaise expérience dans le sens où le cerveau ne "passe pas au dessus". Il continue de mettre le corps dans un état de survie constante, toujours prêt à réagir, ce qui amène un certain nombre de dérèglements, de l'émotionnel au physique. D'un point de vue comportemental, on peut donc observer certains des éléments suivants:
- Hyper vigilance, anxiété, généralisation de la peur, explosivité
- Difficulté à apprendre, à se concentrer, à créer des liens sociaux, fonction cognitive diminuée
- Incapacité à éliminer le stress, trigger stacking
- Depression, incapacité à éprouver de la joie ou du plaisir (on parle pas nécessairement charnel), agressivité
Ces "symptômes" sont observés sur une longue durée après le traumatisme (c'est normal d'être déboussolé quelques semaines après une très mauvaise expérience). C'est ce qui indique que le cerveau n'a pas "classé" l'événement dans le passé. Donc il ne perd pas en intensité.
Qu'est ce qui fait qu'un individu se retrouve dans cette situation et pas un autre ? Il y a beaucoup de facteurs (probablement pas tous connus), une part de génétique. Une expérience traumatique se caractérise notamment par un élément de contrainte, une incapacité (réelle ou perçue) de réagir, de se sortir d'une situation où d'agir pour assurer la survie. Après l'événement, c'est aussi l'environnement qui va déterminer si le traumatisme va s'ancrer : liens sociaux sécurisant, retour à la sécurité, capacité de faire l'expérience du choix et du plaisir.
Tous ces points mettent déjà en évidence le risque auquel est confronté le cheval domestique qui n'a largement aucun choix sur sa vie, des liens sociaux qui sont souvent instables et des humains qui sous estiment aussi souvent l'impact des mauvaises expériences (le classique "rhaan ça va laisse le s'énerver, il va s'habituer").
Si vous êtes arrivés ici en vous disant "ouais enfin, j'en connais plein des chevaux qui montrent ces signes là et je pense pas qu'ils soient tous traumatisés" ... Ben peut-être que si. Dans le langage courant, on a tendance à utiliser le mot traumatisme pour des événements tragiques (guerre, abus, terrorisme etc), mais dans notre quotidien d'humain, l'incapacité à réagir et à ses soustraire d'une situation en lien avec la peur... En effet c'est rare. Pour le cheval, beaucoup moins.
Récemment, j'ai été plus en contact avec des chevaux qui sont dans des circuits traditionnels, qui ne souffrent pas de cas classiques de maltraitance etc. Et j'ai vraiment pris une grosse claque quant à la limite de leurs capacités d'apprentissage, de perception du monde et de prise d'initiative. Je les ai trouvés lents, bouchés, dépendants alors qu'il s'agit de chevaux qui mènent leur petite vie de cheval de propriétaire normal, sans que personne ne s'en plaigne. J'avoue que ça m'a un peu brisé le c?ur. Et ça me questionne beaucoup sur la façon dont on perçoit les capacités cognitives du cheval ainsi que son statut de "animal proie/ animal de fuite". Plus on répète ça, plus on crée de traumatismes, plus on développe la réactivité et la sensibilité, plus... Bref, vous avez compris le cercle vicieux
Bon, j'arrête le pavé ici. Je ferai un deuxième post demain pour parler de la partie : ok on a compris, le trauma c'est tout pourri, mais comment on en sort ??
Et pour finir sur un truc chouette quand même, cette semaine je suis montée 3x sur Pastor et ça c'est une première depuis genre 2022, début 2023. Je vous ferai le récit de notre première balade montée de l'année. En attendant, votre Belge un peu folle qui monte en tapis de monte à cru et en sidepull mais quand même avec l'airbag parce que faut pas déconner sur la bravoure (non c'est une blague, Pastor est adorable, aucune bravoure nécessaire)
(Oui je suis en train de croquer une carotte, le couteau c'est pour les faibles)
