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Posté le 08/05/2014 à 22h22
Le traitement ne prends pas la touche Tab pour les paragraphe. La visibilité n'est pas superbe. J'ai mit les dialogues en gras qu'ils puissent être plus lisible. Ceci est la première partie du chapitre 1. Si vous voulez la suite, demandez, je ne veux pas polluer inutilement. Bonne lecture :)
Chapitre premier
« - Cours ! Plus vite ! Tu peux le faire ! Cours !
La forêt était extrêmement sombre. L'humidité, prenante. Tout autour d'eux transpirait l'hostilité et le danger. Une légère brume s'élevait du sol tapit d'épines, car l'astre de feu, quelque part au dessus du ciel de conifères, se levait. Sa chaleur rassurante tentait tout juste de réchauffer la triste journée de printemps. Cependant, elle ne parvenait même pas à éclairer l’intérieur obscur et noir de la forêt, de plus en plus dense. Le brouillard, quand à lui, se faisait de plus en plus épais.
-Plus vite bon sang ! Par la peste ! Laisse-moi t'aider !
Elle ne pouvait pas empêcher sa voix de trembler, et sa main, de tressaillir. La femme fit demi-tour rapidement, et se précipita aux côtés de celui qu'elle encourageait. Elle saisit le pourpoint du cuir que portait le jeune homme à ses côtés, puis tira de toutes ses forces. Celui-ci se leva non sans peine. L'odeur du sang, qu'elle avait ignoré jusque-là, lui piqua le nez, et elle fronça les sourcils. Le jeune homme passa son bras sur ses épaules, et ils avancèrent tous les deux, le lit de feuilles mortes et d'épines jaunis étouffant le son de leurs pas.
-On ne va pas tenir. Ils vont nous rattraper.
Le jeune homme jusque-là silencieux, émit un soupir, suivit d'une complainte. Sa cuisse, profondément entaillée, le faisait atrocement souffrir. Sautillant à cloche pied, il prit garde à ne pas se coincer le pied dans une des nombreuses racines qui sortaient de terre tel des serpents venimeux. Il gémit une nouvelle fois, serrant les dents sous la douleur lancinante de sa jambe. La jeune femme le regarda, durant une seconde. Le jeune homme vit clairement l’inquiétude et l'empathie se refléter dans le fond de ses yeux immensément gris. Il voyait la sueur perler sur son front, ses cheveux en bataille se coller sur sa peau mouillée. Il entendait son souffle court, accéléré sous l'effort. La jeune femme l'observa à nouveau, mais cette fois-ci, il lui répondit, la regardant dans les yeux, à son tour.
-On va faire une pause...Oui, on va faire une pause...
La femme regarda derrière elle, tendit l'oreille, sans s'arrêter d'avancer. Elle fit plusieurs autres mètres, pas encore résignée à s'arrêter. Finalement, le poids qui se faisait de plus en plus lourd la força à stopper sa course sans fin. Elle prit le jeune homme par les aisselles et l'aida à s'asseoir contre le tronc brun et collant d'un épicéa. Elle resta debout, scrutant la brume, aux aguets, jetant parfois quelques coups d’œil à l'humanoïde assit à ses côtés. Elle le vit se concentrer pour garder les yeux ouverts, alors que sa tête tombait inexorablement sur sa poitrine, se soulevant elle-même de façon anarchique. Après avoir sursauté plusieurs fois de suite aux sons des pommes de pins tombant au sol, la jeune femme s'accroupit à coté du jeune homme. Elle le regarda intensément, ses iris gris d'argents devenant de plus en plus humides au fur et à mesure qu'elle constatait la tragédie inévitable qui se tissait devant ses yeux. Elle baissa les yeux et analysa d'un oeil expert l'entaille de sa jambe, touchant délicatement les bords de la blessure. Celle-ci était profonde, trop même, et le sang ne cessait de couler. Le jeune homme tressaillit lorsqu'elle toucha un peu trop fort, et elle se retira instantanément.
-Je vais encore essayer. Je dois encore essayer. D'accord ?
Le jeune homme, à moitié inconscient fit rouler sa tête sur le côté, et regarda la femme se mettre à genoux. Il voulut sur l'instant l’empêcher d'accomplir son action, mais il n'eut pas la force nécessaire pour lever son bras. Il avait l'impression qu'on le lui avait coupé.
La jeune femme colla ses deux mains l'une sur l'autre puis elle les plaça juste au-dessus de la plaie. Elle ferma les yeux, et se concentra. Il n'y eut aucune lueur, aucun son, pourtant, l'air de la forêt vibra. Les pins et les épicéas perdirent en même temps une forte quantité d'épines, alors que les oiseaux, durant quelques secondes, cessèrent de chanter. Le visage crispé, les sourcils froncés et les lèvres pincées, la jeune femme mit toute sa volonté dans son geste. Elle modela le flux d’Énergie dans la paume ouverte de sa main, et la fit danser. Elle visualisa parfaitement la blessure, les muscles lésés, les capillaires, les nerfs, les veines et les artères sectionnés. Mais par-dessus tout, elle sentait parfaitement le poison circuler librement dans le corps de celui qu'elle tentait de sauver. L’Énergie palpitait toujours dans le creux de sa main, et une fois qu'elle lui fit prendre la forme qu'elle désirait, elle l'appliqua sur la plaie. Durant un instant, elle cessa de saigner, puis, fatalement, recommença à régurgiter le liquide carmin. La jeune femme ne se découragea pas, et continua à modeler l'Énergie, les yeux fermés. Elle chercha à la faire fusionner avec la propre Énergie du blessé, cherchant à rattacher les principaux vaisseaux, pour faire stopper l’hémorragie. Elle chercha à puiser d'avantage dans ses réserves constatant avec effroi que celle de son compagnon n'étaient plus. Mais l'Énergie semblait inévitablement vouloir fuir de tous les côtés. La jeune femme se crispa, cherchant à la rassembler de nouveau au niveau de la blessure, pourtant, elle n'y parvint pas. Comme une petit braise que l'on tente de réanimer, l'Énergie brilla intensément une dernière fois, puis s'éteignit, une fois pour toute.
La jeune femme tomba sur les mains, à quatre pattes, cherchant à reprendre son souffle, puis elle se remit à genoux. Elle transpirait, malgré la fraîcheur environnante. Sa respiration erratique contrastait avec celle, calme et posée, du jeune homme à ses côtés. Après plusieurs instants à retrouver son calme, elle leva la tête, les mains posées sur les genoux.
-Pardonnes-moi...Je suis désolée...J'ai essayé...
Ses yeux d'argents avaient pris la teinte d'un ciel lourd et nuageux. Ceux de l'homme à ses côtés, étaient plus clairs, et brillaient intensément, mais humides eux aussi. Ils se regardèrent longtemps, sans prononcer un seul mot. Puis, concentrant toute son énergie dans ce seul geste, le jeune homme leva son bras, et posa sa main sur la joue chaude et humide de la jeune femme. Voyant la difficulté éprouvé par celui-ci, elle saisit de ses mains celle du jeune homme, et la serra fort. Plus qu'un chuchotement, ce fut un murmure qui franchit les lèvres pâles du garçon.
-Je sais.
Appréciant durant de longues secondes l'instant présent, ils oublièrent tous les deux leur environnement. Perdus dans le regard de l'autre, ils s'admiraient, sans un mot, ni même une parole.
Ce fut le cri au lointain qui les ramenèrent à la réalité. La jeune femme se mit debout en un clignement de paupières, et scruta la brume, qui commençait à peine à se lever.
-Je refuse, dit-elle. On va continuer à marcher, même si je dois te porter. On y va !
Elle se saisit du bras droit du jeune homme, et commença à le lever. Ce fut le long râle qu'il poussa qui lui fit stopper son geste. Elle tenta tout de même une seconde fois, pourtant, il n'eut pas la force de s'appuyer un peu sur ses jambes, et elle fut contrainte à le poser à nouveau sur le sol.
-Je t'en supplie, n'abandonnes pas maintenant ! S'il te plaît...Ne me laisses pas...
Les membres tremblants, elle se mit à nouveau à genoux, près du jeune homme qu'elle avait tenté de hisser.
-Rien n'est encore perdu, tu m'entends ? Rien !
Elle se mit à nouveau debout, et fit quelques pas, rageurs, puis regarda l'horizon. Elle revint sur ses pas, et s'accroupit à côté du garçon, les yeux encore ouverts.
-Je vais faire une diversion. Je suis en pleine forme, je vais les éloigner, et toi, en attendant, tu te reposes.
-Non...S'il te plaît...
Elle tourna la tête et regarda le jeune assit, qui lui tenait faiblement la cheville.
-Enfuis-toi. Laisses-moi, sauves-toi.
La jeune femme se mit accroupie, devant le garçon aux cheveux bruns, et à la jambe ensanglantée. Elle lui sourit. Un sourire froid et triste, difficilement crédible ; pourtant, ce fut un sourire quand même, et le jeune homme tenta d'y répondre. Elle lui posa sa main sur sa joue, et il la saisit, la serrant du mieux qu'il put.
-Je te retrouverais, mon frère, dit-elle, je te le promets. »
Il tenta de la tenir, mais il n'avait plus aucune force, et elle eut autant de facilité à se soustraire de sa prise que de casser une brindille. Elle s'avança en direction des voix, puis regarda une dernière fois en arrière, et enfin, elle s'élança dans la brume.
« -Hé Mam'zelle ! Hé ho !
La jeune femme sursauta, puis se mit debout d'un bond souple, et se retrouva, prête à frapper, devant un paysan à la mauvaise haleine, qui la secouait par les épaules. Celui-ci l'observa avec des yeux ronds, bouche-bée. Il avait une barbe naissante, poivre et sel, une absence presque totale de cheveux, mais ce qui subjugua le plus la jeune femme, c'était l'énorme verrue présente sur sa joue gauche. Les mouches tournoyaient autour de lui comme des bousiers autour d'un crottin. Toujours en position d'attaque, elle se redressa, debout sur les caisses de matériels qui lui avaient servi de couche durant la nuit. Voyant le paysan toujours mal à l'aise, elle sauta lestement sur le sol poussiéreux, évitant une flaque d'eau, ou d'urine, qui trônait à coté.
-Pardonnez-moi mon brave. Que voulez-vous ?
Toujours méfiant (elle le remarqua aux trois pas qu'il fit pour s'éloigner d'elle), il ne cligna pas des yeux, et dut prendre une grande inspiration avant de parler.
-Z'étiez en train de murmurer, tout en gigotant dans vot'sommeil, mam'zelle. J'ai cru bon d'vous réveiller.
-Merci mon brave. Vous avez bien fait.
Le paysan baissa les yeux, visiblement gêné par le regard de pierre et le sourire froid que lui offrir la jeune femme.
-Puis y'a l'baron là, qui vous d'mande aussi.
Elle soupira et posa ses mains sur ses hanches, penchant la tête en arrière.
-Je me disais aussi. Merci à toi. Tu peux te retirer.
Le paysan partit en clopinant, et sans regarder en arrière. La jeune femme le regarda s'éloigner, puis, s'étira, levant ses bras au ciel, tout en bayant bruyamment. Deux femmes aux voiles noirs, et aux yeux marron glacé la regardaient avec un drôle d'air. Elles ne la quittaient pas des yeux, et discutaient visiblement d'elle. Pour confirmer son hypothèse, elle baya à nouveau, puis cracha par terre, le tout donnant un tableau de sa personne peu attirant. Les femmes, au loin, comme elle s’y attendait, eurent la mine dégoûtée, et se penchaient pour parler plus bas encore. La jeune femme, quelques instants après, en eut assez de ce petit jeu, et elle leur retourna un regard froid et terrifiant.
Meurtrier.
La réaction ne se fit pas attendre, et les deux femmes se retirèrent bien promptement. Satisfaite de sa performance, la jeune femme saisit sa large ceinture de cuir, et la noua autour de sa taille. Sur le coté droit pendait son épée bâtarde ainsi qu'une lame courte, jumelle de celle de gauche. Avec cela, quelques sacoches contenant certains élixirs rares et spécifiques. Elle mit à la fin son carquois en bandoulière, et garda son arc en main, puis elle marcha en direction de la demeure.
Le soleil venait à peine de se lever, il devait être un peu moins de sept heure. Elle le regarda d'un air absent, puis se remit en marche. La petite ville de Thaédess était tout ce qu'il y avait de plus normale. Les maisons de bois étaient à l'extrémité de la ville, et certaines semblaient sur le point de s’effondrer dans un nuage de poussière, alors que les riches maisons de pierre se trouvaient en son centre, plus à l’abri. Elle entendit au loin les aboiements d'un chien de berger qui ramenait un mouton fuyard dans le troupeau, et le rire d'une enfant, qu'elle croisa l'instant d'après. Celle-ci stoppa sa course brutalement, et tomba. Elle ne se mit même pas à pleurer, et se leva sans quitter des yeux la jeune femme aux yeux de pierre qui se tenait juste devant elle. Celle-ci, naturellement, lui tendit la main pour l'aider, s'attendant à ce qu'elle pleure. Mais effrayée, la gamine se leva toute seule, puis partit en criant.
La jeune femme soupira et leva les yeux au ciel, puis reprit sa route. Elle avait dormi dans la rue, personne n'avait voulu l'héberger, et elle n'avait plus aucun sou. Les bandits n'étaient pas rares, cependant, plus personnes ne demandait leurs têtes. Les caisses du pays étaient vides. La guerre, ou plutôt, les nombreuses et perpétuelles guerres alentours avaient fini de les vider. Les petits seigneurs étaient encore les seuls à offrir des récompenses, mais souvent, elles étaient dérisoires en comparaison avec les prix des matières premières. Et c'est donc tout naturellement qu'elle était restée dehors la nuit, car à l'auberge, on ne prend pas les pauvres. Par chance, l'été était proche, et les nuits n'étaient pas trop fraîches. Même si elle était plus habituée à un lit de terre et d'herbe, les caisses avaient suffi pour cette fois-ci.
Le sol était poussiéreux, et elle évita la bouse fraîche d'une vache. Son ventre gargouilla, et elle serra les dents. Intérieurement, elle espérait fortement que le baron avait une bonne offre à lui proposer. Il avait demandé à ce que ce soit elle, et personne d'autre, qui s'occupe de cette affaire, par conséquent, elle allait pouvoir augmenter ses honoraires. Sur le chemin, les maisons de bois faisaient peu à peu place à celle en pierre. Elle aperçue dans la rue voisine, le Temple, ainsi que sa place. Il s'y tenait le marché local, et elle entendit les clameurs des marchands, et les gloussements des femmes venant acheter les fruits, les étoffes ou la viande. Surtout la viande. Thaédess était une ville d'élevage, et d'agriculture. On y vendait tout sauf du poisson. La mer était bien lointaine, et seules quelques truites ou autres créatures d'eau douce pouvait faire office d'un repas, pour quelques personnes seulement. Lorsque l'on en péchait, on les gardait pour soi.
La jeune femme évita proprement cette concentration de petits gens, et continua d'avancer. Il ne fut pas difficile pour elle de trouver la demeure du Baron, car c'était la maison la plus propre et la plus entretenue. La cour était verte et fleurie. De larges fenêtres fermées par des plaques de verres laissaient la lumière s'infiltrer au travers des épais murs, alors que la plupart des maisons n'avait que de petites ouvertures. En marchant sur le petit chemin de gravillons fins, elle observa ses bottes et ses grèves d'un œil morne. Le tout était affreusement sale. Elle était sale. Par chance, elle avait trouvé la veille un ruisseau et avait pu, un peu, se laver. Au moins, l'odeur ne dérangeait personne. Ou alors, elle ne se sentait plus. (elle grimaça à cette idée.)
Elle arriva aux portes en chêne massif, et frappa par trois fois, évitant que ses mitaines métalliques n’endommagent le bois. Les portes furent ouvertes quelques secondes après, par un petit homme au ventre bedonnant et à la cinquantaine bien entamée. Il la salua d'un salut bref de la tête, et d'un geste de la main, l'invita à entrer. À peine à l’intérieur, il referma la porte rapidement, puis devança la jeune femme. Ses petits pas rapides claquèrent sur le sol d'un marbre sablé, alors que les bottes et les pas légers de la femme ne firent pas un seul son. Elle regarda l’intérieur de la demeure, cependant, le petit serviteur allait si vite qu'elle ne pouvait pas se perdre dans l'admiration du salon. Quand elle était entrée, elle s'était trouvée dans le hall d'entrée, peu décoré. En face de l'entrée, se trouvait deux escaliers symétriques l'un par rapport à l'autre, et blanc, aux rambardes clairs et dorés, agrémentés de jolis, mais discrets, bas-reliefs taillés dans le bois. Ils prirent l'escalier de droite, qui se termina presque au même endroit que celui de gauche, et il la fit entrer dans un premier salon. Celui-ci, de petite taille, avait des teintes dominantes de rouge. Carmin, vif, écarlate. Le mobilier, sûrement d'une très grande valeur, était fait d'un bois très sombre, contrastant avec le rouge passion de toute la pièce. Des armoires vitrées étaient présentes dans le fond de la pièce, et étaient remplit de nombreux livres. Le bureau, au fond et au centre était terriblement imposant. Là aussi, de nombreux bas-reliefs étaient gravés dans le bois, mais au lieu des arabesques de l'escalier, des scènes de batailles et des animaux étranges y étaient représentés. Le velours rouge des murs et ses motifs de lys furent la dernière chose que vit la jeune femme, alors que le serviteur lui fit franchir une autre porte.
Elle dut cligner des yeux pour adapter sa vue à la lumière aveuglante du salon. Si elle avait eut l'impression d'étouffer dans la passion rouge de la salle précédente, celle-ci était clairement plus calme. Un blanc écru dominait la salle, sûrement conçu pour le thé ou les jours de musique. Il y avait de nombreux sièges et fauteuils de velours blanc, et des tables rondes, petites, et basses. Le tout était rehaussé subtilement de dorures, dans les angles, sur les cadres des tableaux classiques, ou encore, sur les pieds du mobilier. La jeune femme, en arme et en armure, se trouva ridicule dans un pareil endroit, et aurait bien aimé disparaître, cependant, un mouvement attira son attention.
«-Je l'appelle le salon d'Été, car il y fait clair. On y vient seulement en cette saison, car le reste du temps, les grandes fenêtres n'isolent pas du froid. Mais à l'inverse, en été...la lumière bienveillante de l'Astre pénètre d'une magnifique manière ici. Et elle illumine tout. On peut profiter de la vue du jardin, ainsi que de l’extérieur, sans même à avoir à y poser le pied. J'aime cette pièce. Je dirais même, que c'est ma préféré. Mais je vous en prie, asseyez-vous.
La jeune femme observa l'homme qui se tenait devant elle, au fond de la pièce. Elle ne l'avait pas remarqué immédiatement, car il était en plein dans le soleil, assit sur un petit siège à bras. Devant lui se tenait une petite tasse, encore fumante. Elle s'approcha avec grâce et droiture, elle ne voulait pas faire mauvaise impression. Une fois à la hauteur de l'homme, et s'immobilisa.
-Je ne voudrais pas abîmer un si beau mobilier, monseigneur.
Celui-ci leva les yeux de sa tasse et sourit. Ses yeux, petits et verts, avait les paupières tombante, cependant, il avait un air sympathique.
-Bien sûr, bien sûr. Gérald ! Apportes un de ces vieux tabourets ici je te prie ! Un propre de préférence !
La jeune femme entendit le petit homme se retirer, tout en claquant ses talons sur le parquet ouvragé.
-Bien. Donc, Dame...
-Dame Huyana. Mais vous pouvez retirer le « Dame », il est de trop, je le crains.
Le baron souleva un sourcil, et reposa sa tasse sur la coupelle.
-Huyana ? Vous venez du Sud ?
-Des montagnes plus exactement Monseigneur. Mais du Sud de celles-ci, comme vous le dites.
-Oh. (Il reprit sa tasse et avala une nouvelle gorgée.) Ils ont toujours eu de l'imagination là-bas. Ce n'est pas plus mal. Un peu de poésie ne fait pas de mal. Mon père n'a rien trouvé de mieux que me donner son propre nom. Comme l'a fait son père avant lui. Ainsi, je suis Bradàn Toisérasa, baron du comté de Thaédess, et seigneur de ces terres.
Huyana inclina la tête à cette longue tirade.
-C'est aussi un joli nom, monseigneur.
-Par la peste ! Je ne le crois pas non. En Vieille Langue, cela signifie poisson.
-À vrai dire, la racine est plus proche du mot saumon. (le baron pinça les lèvres à sa déclaration.) Quoi de plus noble ? Chaque année il remonte avec force et courage la rivière et le courant, force inexorable de la nature.
Le baron redressa la tête, délaissant sa tasse.
-Vous avez peut-être raison. Et qu'en est-il du votre ?
-Pluie qui tombe. Guère pertinent, n'est-il pas ?
Le baron se mit à rire grassement.
-En effet. Le vôtre n'est guère mieux. Mais ainsi, peut être sommes-nous lié par cet élément aussi capricieux que celui qu'est l'eau. Pourtant, ce n'est pas pour parler du temps que je vous ai convoqué. Il fit une pause, attendant que Huyana s'assit sur le tabouret que venait de ramener, mouillé de sueur, le serviteur, Gérald. Savez-vous pourquoi vous êtes ici ?
La jeune femme soupira et posa ses mains sur ses cuisses.
-Pour dire vrai, non. J'ai entendu il y a trois jours de cela, dans le village voisin, que vous me cherchiez. Cependant, je n'ai pas vu de têtes mise à prix, ni de mission d'escorte. Je suis donc venue, sans trop savoir ce qui m'attend.
Bradàn posa une ultime fois sa tasse, vide, cette fois-ci.
-En fait, j'aimerai que notre discussion reste entre nous. Et si vous n'avez pas vu d'affiches ou de missives, c'est car je n'en n'ai pas voulu. Car ce que je vous demande aujourd'hui de tuer, ce n'est ni un bandit, ni un voleur. (Huyana ne détacha pas ses yeux du baron, alors que celui-ci s'humidifia les lèvres.) Il s'agit d'un Lindworm.
La jeune femme ne répondit pas immédiatement. Elle prit son menton entre ses longs doigts, et resta quelques secondes muette.
-Un Lindworm ? Ici ? C'est étrange. Qui vous a fait part d'une supposition aussi grossière ? Le culte de la dame Lumière exige que l'on brûle les morts pour les purifier, non ? Il n'y a donc pas de cimetière ici.
Le visage du baron prit une teinte pourpre et il serra les dents.
-Notre famille ne suit pas le culte de la Lumière. Et ce depuis onze générations. Toute ma famille est enterrée ici même.
-Oh. Pardonnez-moi. Vous avez eu un corps dévoré? Un témoin ?
-Oui. (Le baron secoua la tête.) Ma vieille mère, que l'on a enterré il y a de cela dix jours à peine. C'est Gérald lui-même qui a vu la créature. Gérald ! Viens ici !
Le serviteur arriva rapidement, toujours avec cette étrange façon d'avancer.
-Gérald, racontes tout ce que tu as vu il y a trois jours.
-Bien sûr monseigneur. C'était déjà la nuit. Pour dire vrai, cela faisait un moment même, qui faisait nuit. Pour vrai, car l’Étoile Blanche était déjà levé, et on sait tous que l’Étoile Blanche se lève bien après l'Astre Contraire.
-Gérald, par la peste ! Viens-en au fait !
-Bien sûr monseigneur. (Le serviteur toussota, heureux d'avoir pour une fois, un auditoire.) Donc, je disais, il était tard, au moins minuit passé. J'étais sorti pisser, car dans les chambres, les pots sont répulsifs, tout le monde le dit par ailleurs. (Le baron se passa la main sur la figure.) Et donc, quand il ne fait plus trop froid, je sors pour pisser. Parce que, vous voyez ma Dame, ça fait ça quand je bois une tisane avant de me coucher. La cuisinière, la jolie Maria m'en fait toujours, et je ne peux pas refuser, car ça la rend triste, mais moi, ça me fait pisser, et...
-Gérald !
-Oui monseigneur ! Je disais donc, j'étais sorti. Je vais toujours loin pour me soulager. Je ne le fais pas n'importe où, je vais dans les bois, et près des bois il y a le cimetière de la famille de monseigneur. J'ai entendu un bruit. Au début, j'ai fait semblant de rien entendre. Mais au bout d'un moment, ça m'a bien inquiété. J’entendais qu'on fouillait la terre, et j'ai pris peur. Peut-être qu'un gueux a cru que l'on avait enterré l'ancienne Baronne avec des bijoux et autres choses, totalement exclus du culte de la Mère, par ailleurs. (Il jeta un ?il au baron, qui devenait rouge de rage, et il se reprit.) Je suis donc allé voir, après m'être soulagé. Là, j'ai vu une affreuse forme onduler. Elle ne m'avait pas vu, et j'ai vite fait d'aller me cacher. Il faisait bien dans les trois mètres de longs le bougre, aussi immonde qu'un serpent. Une fois parti, je suis sorti de derrière mon arbre, et je suis rentré bien comme il faut.
Durant un instant, un silence s'installa. Personne ne disait rien, et on n'entendait que le souffle un peu difficile du baron. Le serviteur se tortilla les mains, se penchant d'avant en arrière sur ses petites jambes tendues. Ce fut Huyana qui brisa le silence.
-C'est tout ?
Le serviteur se redressa, visiblement vexé. Il lui semblait avoir traversé une terrible épreuve, et son récit avait visiblement déchaîné toutes les émotions possibles en lui. Et la mine non satisfaite de la jeune femme le contraria.
-Oui, je le crains. Mais, le plus important, ce sont les traces.
-Les traces ? Huyana se redressa, la créature a laissé des empreintes ?
-En effet. Et pas qu'un peu. Je vais vous y conduire, suivez-moi, je vous prie. »