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Le calvaire des éleveurs
Posté le 27/01/2019 à 13h58
Je suis ce sujet avec intérêt depuis le début et j'ai plusieurs remarques à faire. Pour moi, les fautes sont partagées entre éleveurs et particuliers. Généralement, les éleveurs reprochent (à raison) aux particuliers ( dans le sens non déclaré pro) qui font naitre plusieurs poulains à l'année de siphonner le marché et de faire de la concurrence déloyale. D'un autre côté, les particuliers reprochent à certains éleveurs de tout faire pour vendre leurs produits quitte à mentir ou tout du moins embellir la réalité.
Je vais répéter ce qui a déjà été dit mais je suis personnellement :
=> pour une meilleure régulation des naissances, pour le bien être des animaux d'abord et pour permettre aux éleveurs de vivre de leurs métiers.
=> Pour une régulation de l'accès au statut d'éleveur. N'importe qui ne devrait pas pouvoir s'installer. Il devrait y avoir une obligation de formation ( ce qui n'est pas le cas actuellement). Alors oui, je sais, beaucoup d'excellents éleveurs n'ont aucun diplôme mais cette obligation permettrait de faire un tri et de donner un statut reconnaissable et une certaine garantie aux futurs acquéreur. De plus, cela restreindrait le nombre d'éleveurs officiels et rendraient plus clair le marché pour les particuliers.
Mais dans le même temps, j'estime qu'un particulier devrait avoir la possibilité de pratiquer de l'élevage de plaisance - au sens propre et stricte du terme-. C'est à dire de faire naître pour son propre plaisir sans aucune intention de vendre, un ou plusieurs produits. Ces poulains devraient être obligatoirement déclarés ( la loi l'oblige actuellement mais le manque de contrôle rend les dérives nombreuses) et imposés par l'état. Pour éviter la concurrence susmentionnée plus haut il faudrait donc, selon moi :
=> automatiser les contrôles systématiques avec redressement à la clé pour les personnes, pro ou particulier qui ne respectent pas la loi en vigueur.
=> durcir la loi en vigueur quant à la vente de chevaux par des particuliers en stipulant, par exemple, un nombre maximum de vente plus restreint et calculé non plus sur l'année mais sur les 5 dernières années.
Ainsi, un particulier n'aurait pas le droit de vendre, ( je donne un chiffre au hasard), plus de 3 chevaux sur 5 ans. J'estime, en effet, qu'à partir d'un certain nombre de vente, on sort du statut de particulier, qu'on soit éleveur ou cavalier. Il y aurait aucune interdiction, bien évidemment, mais plutôt de grosses pénalités fiscales pour ceux qui ne respectent pas cette règle. Actuellement, j'en connais certains qui manipulent cette loi en vendant un cheval en décembre et un autre en janvier/février soit deux dans l'année scolaire, cela ne serait plus possible avec la limite des 5 ans.
Enfin, le dernier problème que j'aimerais soulever est celui du prix de vente des chevaux et des difficultés d'estimations des particuliers ( à la fois des particuliers qui cherchent à acheter mais aussi des particuliers qui cherchent à vendre).
Là encore, je pense que la régulation permettrait de fluidifier le marché, comme pour les voitures, il devrait y avoir une sorte "d'argus" officiel publié par le site des haras. Avant de me faire lyncher, oui je sais que les chevaux sont des être vivants et oui je sais que la valeur d'un cheval peut drastiquement fluctuer selon son niveau de travail et sa condition physique ( sans parler du chic). Je pensais plutôt à un outil statistique mis à jour régulièrement afin de donner une indication aux acheteurs. Par exemple, si je souhaite acheter un cheval et que le site m'indique que dans les 5 dernières années, un hanovrien de 3 ans avec des origines similaires à celui que j'envisage d'acheter s'est vendu en moyenne entre 15000 euros et 20000 euros, cela évitera à l'acheteur novice de perdre du temps en proposant un prix insultant à l'éleveur et cela évitera à ce même acheteur d'avoir l'impression qu'on a fixer un prix à la tête du client ( ça évitera aussi au vendeur particulier ou pro de proposer des prix extravagants). Bien entendu, ma proposition n'est pas optimale et ne remplacera jamais les conseils d'un pro indépendant ( et qui ne touche pas de commission à la vente).
J'estime aussi, que chaque acheteur doit savoir faire preuve de bon sens et un minimum être renseigné, s'il ne souhaite pas se faire pigeonner ( pardonnez-moi l'expression). Si malgré tout les gardes fou mis en place, cette personne persiste à se faire arnaquer, j'ai envie de dire, tant mieux pour le vendeur !
Je vais exprimer une position clairement clivante et polémique, mais je persiste à penser que la démocratisation de l'équitation a eu plus de conséquences néfastes que positives... et je dis cela, en ayant pertinemment conscience que sans cette démocratisation, je n'aurais probablement pas pu mettre mes fesses sur un poney avant l'âge adulte.
L'une de ces conséquences est la dérégulation du marché et la baisse du prix du cheval qui entraine parfois des situations dramatiques où certains particuliers se retrouvent avec un cheval inadapté à leur niveau et inversement où un cheval se retrouve avec un propriétaire non préparé à prendre soin convenablement de lui. J'ai longtemps été proche de la SPA de ma ville d'origine, je ne vous raconte pas le nombre de fois où ils ont dû intervenir sur des cas de maltraitances chez des particuliers qui étaient clairement dépassés par la situation ( oui, les pros ne sont pas en reste, mais, dans ce que j'ai pu observer - et j'ai conscience que cela ne forme en aucun cas des statistiques solides, le plus grand nombre des cas provenaient de chevaux de particuliers).
Enfin, je finirai mon pavé en déboutant un mythe qui à le don de m'horripiler : le particulier qui fait naître choisit mal les géniteurs et fait mal les choses. Je suis dans cette situation cette année et je ne crois pas avoir rogner sur les dépenses pour apporter les soins nécessaires à la poulinière et à son futur poulain. Je copie/colle ici mon message posté dans le fil sur les saillies 2019 :
Voici mon budget :
Location de la poulinière : 3000 euros ( ce tarifs comprend la location de la ponette et la pension) hors frais vétérinaire liés à la gestation ( vaccin pour la rhino, écho, transport de la jument jusqu'au centre etc.).
Frais de saillie : 330 euros TTC à la réservation + 2310 euros TTC une fois le poulain né et à 48h de vie.
Frais liés au centre d'insémination :
- le suivi gynécologique ( forfait gynéco pour toute la saison - environ 4 échographies par jour + IA Profonde incluse : 319 euros TTC hors soins vétérinaires et médicaments, injections etc.)
- les frais techniques : forfait IAC/IAP pour toute la saison 165 euros TTC.
- la pension : pour de la gestion en IAC, elle sera au box pendant la durée des chaleurs, puisque vues plusieurs fois par jour soit 8 euros TTC par jour ( environ 250 euros pour un mois).
Je suis sûre que certains centres sont moins chers mais celui-ci est proche de l'élevage ( donc cela est plus pratique) et l'éleveuse, quand je lui en ai parlé, m'a dit qu'elle les connaissait bien et qu'elle avait déjà travaillé avec eux. Donc cela joue évidemment sur mon choix.
Le total des frais exposés : 6374 euros
A cela, il faut ajouter le transport, les soins vétérinaires (injections etc.), l'identification du poulain + alimentation reverdy ( j'envisage un sevrage long comme pour mon premier cheval donc il restera surement à l'élevage jusqu'a ses un an voire plus). Je ne devrais pas être loin des 7000 euros à la naissance.
Ce qui est énorme, avec ce budget je pourrais très bien trouver un foal OC pour du dressage déjà né et donc avoir plus de choix sur la morpho/robe/tempérament mais je n'aurais pas la joie de vivre l'expérience de A à Z, de choisir les géniteurs, de suivre la gestation, de choisir le nom du poulain et peut-être même avec un peu de chance, d'assister à la naissance.
Je le savais déjà, mais le vivre, me permet de me rendre compte que l'élevage, quand tout est fait dans les règles de l'art est extrêmement cher et au prix de vente actuelle, je me demande bien comment les pro rentrent dans leurs frais...
Conclusion, le particulier qui fait de l'élevage de plaisance, permet à la filière de vivre mais le particulier non déclaré qui fait naître régulièrement, fait chuter les prix des poulains et entraîne une précarisation importante de l'éleveur. Si j'étais un pro et que mon poulain m'avait déjà couté à la naissance 7000 euros, je souhaiterais que mon produit soit vendu au moins 9000/10000 euros pour faire un bénéfice, rémunérer ma main d'oeuvre et me permettre tout simplement de continuer à élever. Si on continue à brader, la qualité des chevaux à naître va drastiquement baisser et cela aucun amoureux des chevaux ne le souhaite....