En lançant le débat sur le facteur social, m'attendais à ce genre de messages : "oui mais moi j'ai réussi sans l'aide de ma famille", "oui mais moi je connais quelqu'un qui..."
Bien entendu qu'il y a des contre-exemples. Mais le déterminisme social ne se mesure pas à l'échelle individuelle, mais à l'échelle sociale et donc collective. Encore une fois, c'est un fait statistique : il n'y a qu'à étudier le pourcentage d'étudiant issus de familles CSP+ dans les classes prépas, les grandes école, en médecine.
De mémoire les étudiants issus de famille de cadres représentent plus de 50% des effectifs en classes prépas, et ça montent encore dans grandes écoles (à l'ENA ou à Polytechnique, ça frôle les 70%).
Pour ceux qui voudraient s'amuser à vérifier :
https://www.education.gouv.fr/cid57096/reperes-et-references-statistiques.html#Les%20%C3%A9tudiants
Il y a des raisons économiques (non, on ne peut pas faire un prépa une ou PCEM en travaillant à côté, et non, aucune banque n'accorde un prêt étudiant à un élève qui rentre en prépa sans aucune visibilité sur sa réussite potentielle aux concours et son cursus futur), et des raisons sociales.
Et les modes d'affectation actuels de Parcoursup renforcent encore ce phénomène : aujourd'hui, un gamin qui a 18 de moyenne et un bac S mention TB dans un obscur lycée de province ou "pire" encore de banlieue a très peu de chance d'être admis dans une très bonne prépa, contrairement à celui qui a 14 dans un lycée prestigieux (là encore, vous allez me trouver mille contre-exemples rassurants.... sauf que les statistiques existent aussi, et qu'elles parlent plus fort, si on prend la peine de les écouter)
Et la réforme du bac va agraver ce phénomène, en donnant une place importante au contrôle continu et donc en renforçant les inégalités entre les jeunes issus de lycées différents.
Et pour finir, pour info, selon les enquêtes PISA qui évaluent les différents systèmes éducatifs européens, la France est un des pires (juste derrière le Royaume-Unis) en terme d'égalité des chances (c'est à dire l'avant dernier pays en terme d'intégration par les études d'une classe sociale différente de celle de sa famille d'origine)
Donc il existe des moyens de lutter contre ce système de reproduction sociale, ou au contraire de l'encourager. Ce sont des choix politiques. Les choix actuels, qui rapprochent la France du modèle anglo-saxon, vont dans la sens d'une augmentation de ces inégalités d'accès aux études/aux fonctions supérieures. Mais ce sont bien des choix, pas une fatalité : dans d'autres pays (comme l'Allemagne), qui ont fait des choix différents, ces inégalités s'amenuisent. Et les choix, ce sont nous tous, en tant que citoyens, qui pouvont peser dessus. Donc je suis en désaccord avec les phrases du type "c'est le système qui veut ça, il n'y aucune autre possibilité"... Il faut assumer ses choix et le système qu'on défend et qu'on plébiscite, ou pas. Et ne pas se cacher derrière une pseudo-fatalité.