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La culture du viol, féminisme !?
Posté le 20/12/2019 à 14h48
Sujet tout à fait intéressant et particulièrement vaste.
Je ne me pencherais pas sur les dizaines de question que vous avez soulevé, notamment sur la prostitution où je rejoins in29 et la remercie parce que son intervention est vraiment hyper plaisante à lire.
Je voulais juste apporter une pierre à l'édifice sur la question du consentement parce qu'on a vite une vision très radicale, noir/blanc, d'accord/pas d'accord, oui/non, alors qu'il y a un gris et que souvent on est dans le gris. Et le gris, je ne vois quasi que ça dans mon métier d'avocat (bon je défends le plus souvent les agresseurs).
J'exclue donc de mon propos les violences sexuelles typiquement pénales, celles où le mec a une arme, celles où la contrainte ou la menace est utilisée.
Je ne sais plus laquelle d'entre vous a évoqué le fait que les hommes ne lisent pas notre langage corporel, ce qui fait qu'ils ne comprennent pas le non implicite. Mais soyons claire, je ne lis pas non plus le langage corporel de mon mec quand il n'a pas envie ou envie de quelque chose, et je ne lui demande pas non plus de me "lire" pour qu'il comprenne ce que j'attends de lui, parce que c'est juste le meilleur moyen pour qu'un malentendu naisse.
Et quand ce malentendu concerne le repas du soir ou de savoir qui a changé la couche de notre fille, c'est pas très très grave. Mais quand ce malentendu concerne mon envie d'être pénétrée, là clairement c'est grave.
Et comment lui faire porter la responsabilité de m'avoir pénétré alors même qu'à aucun moment je n'ai dit non, j'ai juste attendu de lui qu'il lise en moi que je n'en avais pas envie.
Qu'on ne me parle pas de sidération en l'espèce, le type n'est pas dans la violence, le type partage notre lit, donc le phénomène est autre (sauf à ce que le mec soit violent, et dans ce cas confère mon propos plus haut).
Qu'est ce qui fait qu'on attende d'un mec qu'il nous lise et qu'on lui fasse reproche de ne pas le faire, et donc qu'on y voit le reflet d'une société patriarcale... etc. Perso à mes yeux c'est précisément le fait que nous attendions d'un autre être humain qu'il nous lise qui est le produit de la société patriarcale. C'est l'archétype du côté fille, j'ai appris à ne pas demander alors que je laisse des indices, je ne donne pas de la voix, je ne m'exprime pas, je ne dis pas exactement ce que je veux parce que minauder c'est un truc de filles. Les mecs ne se posent pas une seule seconde ce type de questions, ils disent et expriment ce qu'ils veulent. Dans les relations au travail c'est hyper visible.
Sur le consentement, à un moment donné il n'est pas possible de dire "il aurait dû comprendre que je ne voulais pas" quand on parle de son mec et quand on s'est contenté de ne pas manifester de l'envie (encore une fois, je cantonne mon propos hors champs pénal, hors violences, dans un contexte très lambda de couple - donc j'exclue le concept de sidération). Il ne peut pas lire dans nos pensées.
A nous de dire: non. Même pas besoin de dire pourquoi. Juste non. Le dire. Pour être comprise.
Tout comme je me force à exprimer mes envies au quotidien, et à ne pas attendre qu'il les devine, désormais je dis "non" quand ce soir je suis nase.
Après, de manière plus générale, et donc pas cantonnée au couple, j'ai vu des situations pénales qui sont objectivement très troubles, notamment quand cela concerne des jeunes défavorisés.
J'ai eu le cas d'une tournante. La gamine violée par plus d'une dizaine de mecs dans une citée sensible. Truc ignoble, vraiment. Pour autant quand on lit le dossier, on est effaré par l'absence de conscience/connaissance de la notion de consentement. Personne, ni du côté des prévenus, ni du côté de la victime, ne sait ce qu'est le consentement, ce que ça veut dire, comment ça se manifeste. La misère sociale, culturelle, financière et intellectuelle fait des ravages.
Certains des gamins disent qu'ils pensaient qu'elle était d'accord parce qu'elle ne disait pas non explicitement. Une fois qu'on leur fait ouvrir les yeux sur le concept de sidération, sur l'impossibilité de dire "non" alors qu'il y a plein de mec autour d'elle, qu'elle est terrifiée, qu'il est le 17ème, il réagit lui même en disant "c'est vrai elle avait l'air triste".
Et elle, quelques mois plus tôt, a accepté de pratiquer des fellations à des potes de son mec parce que son mec lui avait demandé. Et elle ne voyait le pb. Pour elle c'était fun, elle était d'accord cette fois là. Et la fois suivante c'était une blague de son mec, et elle a dû faire la même chose pour récupérer son téléphone portable. Et là aussi zéro souci pour elle. Quand on attire son attention sur le fait que le consentement est très flou et même altéré dans ces deux cas, elle ne le réalise pas et ne se demande pas vraiment si elle en avait envie. Elle ne conceptualise pas et n'analyse pas ces actions et gestes.
Quand tout le monde, agressé et agresseur, est bien bien à la rue sur la notion de consentement, c'est là où ça part en sucette. Quand personne n'est plus capable de réfléchir, d'avoir le bagage intellectuel et culturel pour amorcer un début d'analyse sur les choses, c'est forcément la porte ouverte à ce type de situation.
Après, et j'en terminerai là, je trouve qu'on en fait beaucoup sur un sujet qui est certes important mais qui, à mes yeux, est tout à fait marginal et très pris en compte, même si pas résolu.
Perso, je sors de chez moi en robe/jupe/décolleté comme je veux, et j'ai toujours pu. Je n'ai jamais rencontré de pb avec mes ex. J'ai tjs dit non comme je le souhaitais. Je n'ai jamais été particulièrement harcelée dans la rue, je ne me suis jamais sentie en danger en tout cas ni même mal à l'aise.
Je n'ai pas du tout le sentiment de vivre une quelconque oppression masculine, ni même qu'il y aurait une culture flippante du viol dans notre société. Elle demeure patriarcal, ça changera sans aucun doute.