|  | Alors , à part les généralités du style "le parage va dans le sens donné par le pied" ,
quels repères utiles peut-on donner à un amateur intéressé pour repérer ce qui doit l'alerter en regardant les pieds de son cheval paré ?
merci |
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Ben déjà, commencer par regarder ... le cheval, et pas rien que les pieds !
Merci pour ta question, mais, tu vois, rien qu'en la posant, tu dis en fait toute la problématique : si l'amateur éclairé comme tu dis ne regarde que les pieds de son cheval, pour essayer d'y comprendre quelque chose, il ne le pourra pas. Car la clé de la compréhension des pieds se situe ailleurs.
Donc, d'abord, en priorité, apprendre à regarder le cheval, dans son ensemble, de face, de dos, et sur les deux profils.
Pour cela, on va s'exercer à bien se positionner pour avoir un angle de vue qui respecte les 3 directions principales.
J'ai fait un schéma à ce sujet :
c'est aussi selon ces axes qu'on se placera pour prendre des photos.
Après avoir observé l'ensemble, on va se déporter, de façon à se placer au centre de chaque partie - de la plus grande à la plus petite. Donc, d'abord avant-main, arrière-main, toujours face, dos, et les deux profils, puis en face d'un membre, puis d'une partie de membre, etc, pour finir au pied. A chaque fois, on veillera à se positionner en fonction de la nouvelle orientation propre à chaque rayon osseux considéré, c'est à dire qu'on va tenir compte des rotations des membres - ce qui veut dire qu'on va forcément devoir les voir, pour cela : une découverte pour beaucoup de gens.
On va aussi essayer de photographier l'arrière des pieds posés (en posant l'appareil par terre ou sur un carton) et aussi au soutien, avec le canon posé sur la main sans qu'elle touche ni le boulet ni le genou. Bon tout cela je l'explique dans ma notice en détails.
Quand on le peut, c'est aussi très bien d'observer (et filmer) le cheval en mouvement, pour voir le déroulé de chacun de ses pieds, de ses membres, de l'ensemble de son corps, du sol à la pointe des oreilles, toujours de face, de dos et des deux profils. Là encore, protocole fourni sur demande.
Ce n'est qu'après avoir regardé tout cela qu'on va entrer davantage dans l'observation des pieds eux-mêmes.
En effet, toutes ces vues du cheval en entier et par parties, en appui, au soutien et en mouvement, vont nous renseigner sur son anatomie et sur certaines particularités : laxités, aplombs, billardage, forgeage, croissance, bassin décalé, etc. mais aussi défaut d'amplitude, hésitations, rotations, et beaucoup d'autres choses.
Ensuite, le pied : le pied idéal est celui qui correspondra au cheval dans son ensemble. D'accord tu ne voulais pas que je le dise, mais c'est quand même la base.
Donc, maintenant qu'on a (un peu) commencé à cerner le cheval, on va regarder le pied : tout ce qui est écrit dessus va nous dire son histoire. Donc, pour qu'il puisse parler il faut qu'il soit impeccablement propre, et qu'on s'approche de près, ou qu'on le photographie en gros plan.
Bien sûr, tout le sabot raconte son histoire, mais il n'y a que le 1/2 mm qui sort de la couronne qui nous dit comment il est dans le moment présent. Il faut donc avoir aussi la possibilité de regarder cela très attentivement : quand je vois que sur la plupart des photos, les poils masquent la couronne, je ne vois pas ce qu'on peut y observer ! Donc, photo avec les poils, et photo avec les poils relevés (toujours en respectant les axes principaux).
Après, analyse de tout cela - et, suivant les cas, nouvelles questions, demande de photo, examen, ou déjà hypothèses de réflexion et de travail.
Donc, là, un amateur est largué, en général, et depuis longtemps. Mais quand on a fait cela pour SON cheval, et pas, comme ici, avec l'idée de parler à tout le monde à la fois, et qu'on lui a bien expliqué, pour le cheval en question, ce que signifiait chaque chose, alors, oui, il aura des repères simples pour pouvoir suivre SON cheval.
Cette approche est très porteuse, car elle permet vraiment de comprendre des tas de subtilités chez le cheval qui vont nous guider utilement.
Par exemple, un jour, après avoir regardé un vieux cheval et ses pieds de cette façon, je dis à son propriétaire : c'est bizarre, on dirait que votre cheval est intoxiqué par le thuya. Pas possible, me répond-il. Puis le téléphone sonne, il va répondre, et le cheval, livré à lui-même, repart dans son coin de pré. Je le suis, et le vois se placer pour se faire gratter doucement le dos, comme à son habitude, visiblement, sous un énorme ... thuya, dont toutes les branches étaient usées par ce manège permanent de ce cheval. En fait, il s'intoxiquait par voie percutanée, par la sève du thuya à qui il demandait en permanence de lui gratter le dos.
Le propriétaire n'y avait pas prêté attention. Du coup, il l'a changé de pré, et les signes de son intoxication ont cessé.
C'était très important, car ce type d'intoxication peut donner des tensions ligamentaires exagérées, assorties de certaines fragilités. Si j'avais cherché à abaisser ses talons sans en tenir compte, j'aurais mis ce cheval en danger. Alors que le simple fait d'être éloigné de son thuya a permis doucement la détente des ligaments, et l'abaissement spontané des talons, par la même occasion. En fait, il était urgent ... de ne rien faire de particulier , si ce n'est de l'éloigner de son thuya.
Pour un poulain de 4 ans, une fois, et toujours à partir de la même approche, j'ai décelé une fragilité cardio-vasculaire d'origine génétique, et ai demandé des renseignements sur les parents. L'éleveur était assez fâché de ce que je lui apprenais, mais il m'a rappelée quelques jours plus tard pour me dire qu'effectivement, cet étalon était connu pour faire des filles sujettes aux "coups de sang" : là, c'était un de ses fils qui en avait hérité. C'était écrit sur ses pieds, et, bien sûr, là encore, il fallait absolument en tenir compte pour le parage.
Voilà. Donc, première chose : observer son cheval des pieds à la tête.